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Ep 1 - Premier souffle au Mexique

 

Face à un douanier mal luné, ce voyage aurait pu mal débuter… Aéroport de México, lundi 11 février 2020. Je m’apprête à sillonner le sud du Mexique durant deux mois, un sac de dix kilos sur le dos. Après avoir retrouvé mon ami Alex, je consacre ma première journée à visiter le Centro Historico de cette capitale tentaculaire.

 

 

I. Un passage délicat à la douane

J’avance lentement dans une file d’attente réservée aux étrangers. Coup d’œil furtif à ma montre : midi, pile. Dehors, difficile d’entrevoir les avions posés sur le tarmac à travers les baies vitrées, seules les lumières de la piste d’atterrissage et les gyrophares des véhicules utilitaires scintillent dans une nuit sans étoile. À l’horizon, une faible lueur progresse, la luminosité gagne du terrain sur l’obscurité. Midi ? Non, juste cinq heures du matin avec le décalage horaire. Il est temps d’ajuster ma montre.

México, de nuit. © Ignacio Velez

© Ignacio Velez

 
 

Parti depuis Madrid avec la compagnie Aeromexico, je viens de survoler l’océan Atlantique, foulant pour la première fois le sol mexicain. Sommeil irrégulier, je n’ai pas l’habitude de rêver suspendu dans les airs. Les pieds désormais au sol, je suis en pleine forme, excité par ce rendez-vous en terre inconnue. Autour de moi, des centaines d’autres voyageurs, les yeux mi-clos, multiplient bâillements et grognements dans un aéroport complètement saturé par le flux (encore) frénétique de la mondialisation.

Nous attendons tous l’ultime formalité, la preuve du voyage exotique : un tampon venant se déposer avec autorité sur un passeport parsemé de marques similaires. Vient mon tour. Le douanier examine mon passeport. Il prend le temps de faire défiler les pages, longtemps, très longtemps, trop longtemps... Mes séjours de plusieurs mois en République dominicaine l’interpellent, tout comme mes précédentes voyages à Cuba, en Haïti et au Bénin.

 
 

Le douanier me pose des questions sur les modalités de mon séjour au Mexique : mes motivations, où vais-je loger, mon budget. J’esquisse de brèves explications dans un espagnol pas totalement fluide mais compréhensible. Visiblement peu convaincu, l’homme à l’uniforme demande à examiner l’argent liquide ainsi que la carte bancaire que j'ai sur moi.

Avec tout ce qu’on raconte sur la corruption au Mexique, va-t-il discrètement se servir pour me laisser passer sans encombre ? Il fait mine d’hésiter puis, sans me regarder, lance dans un accent chantant : « Bueno, bienvenido a México ».

 

© Alexis Tostado

 

II. Traverser la capitale en uber

Direction le centre de la capitale, l’une des plus peuplées au monde. D’un simple clic sur mon téléphone, cette boussole des temps modernes, j’opte pour un Uber Pool. Solution pratique et économique : le prix est affiché à l’avance, tout comme l’identité du chauffeur. Les taxis conservent (encore) la clientèle des générations plus âgées. Si les histoires d’enlèvements dans des faux taxis ne sont plus vraiment d’actualité, les arnaques, ou plutôt les prix anormalement élevés, restent légions. À vous de choisir. Au prix d’une concurrence déloyale, Uber a rabattu les cartes de la mobilité urbaine.

Sur la route, la discussion s’engage avec le chauffeur, tout juste trentenaire, d’origine vénézuélienne. Comme nombreux de ses concitoyens, il a préféré partir, voyant dans le Mexique un eldorado accessible. « La situation dans mon pays est compliquée tu sais. Ici il y a du travail, je conduis tous les jours, cette ville ne s’arrête jamais », raconte-t-il avec élan tandis que nous sommes bloqués dans un embouteillage.

Il est bientôt sept heures, le moteur tourne au ralenti. À l’arrière, les vitres ouvertes laissent passer un air doux qui me caresse le visage. La journée commence bien, le soleil brille sous un ciel bleu éclatant. On pourrait fermer les yeux et se laisser bercer par le chant des oiseaux.

Faut pas rêver. À México, c’est avant tout des klaxons qui résonnent de minuit à midi, de midi à minuit. Une chorale à ciel ouvert où chacun livre sa partition sans vraiment écouter celle de son voisin. Je note sur mon carnet : « Pour être au calme, s’éloigner du bitume. » La circulation est saturée, les artères quadrillées, la végétation parsemée. Les ronds-points ? Inexistants. Le paysage défile sous mes yeux, mètre après mètre. J’observe une infime partie de cette ville perchée à plus de 2'200 mètres d’altitude, entourée de montagnes et de volcans dans une vallée nommée l’Anahuac.

Bâtie sur un lac désormais asséché, la mégalopole compte 22 millions d’habitants pour 5 millions de véhicules aux heures de pointe. En 2019, México était classée 13ème ville la plus encombrée au monde. Conséquence directe, chaque année ses habitants, surnommés les 𝘊𝘩𝘪𝘭𝘢𝘯𝘨𝘰𝘴, perdent en moyenne huit jours et trois heures, bloqués par la circulation.

© Postandfly

Colonia Del Valle, premier arrêt. Alex, architecte d’intérieur franco-mexicain, m’accueille les bras ouverts. Je ne l’ai pas revu depuis des années. Qu’importe, le temps ne peut avoir raison d’une véritable amitié. Je l'ai rencontré en 2015 à Aix-en-Provence lors de ma 1ère année de Master. Nous logions alors dans la même résidence universitaire. Sa simplicité m'a tout de suite plu.

En guise de cadeau de bienvenue, il m’a préparé une spécialité locale : l’omelette mexicaine. Prenez des œufs, ajoutez-y des tomates, de la coriandre, des oignons et, bien sûr, des piments. Pour agrémenter le tout, déposez une purée de haricots rouges et des nopales, morceaux de cactus verts, à côté de l’omelette. Avec un peu d’imagination, vous obtenez les couleurs du drapeau mexicain et un mélange subtil de saveurs. La gastronomie mexicaine, simple mais terriblement efficace pour reprendre des forces et se remplir l’estomac.

Le choix du Mexique vient en partie de la présence d’Alex dans la capitale. Avec l'expérience, j'ai compris l'importance d'avoir un pied à terre lorsqu'on arrive dans un pays inconnu. Pendant une semaine, il m'a hébergé dans son appartement. En plus de partager de bons moments à ses côtés, j'ai pu préparer sereinement la suite de mon voyage.

 

© Frederik Trovatten

 

III. Visite du centre historique

Tout s’est enchainé depuis mon passage à la douane : il est neuf heures du matin, je termine de déguster l’omelette mexicaine cuisiné par Alex qui doit partir travailler. Je décide d’aller au Centro Historico, avant tout connu pour son Zócalo, la place de la Constitution. Une large surface bétonnée (240 sur 195 mètres) inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco. Dans une ville qui s’étend à perte de vue, le vide fascine, mais se remplit vite. Lieu symbolique, le Zócalo est en effet le point de convergence entre badauds, touristes et manifestants prêts à battre le pavé. Durant mon séjour, une importante manifestation aura lieu pour dénoncer la vague de féminicides au Mexique. Pour Brut, le grand reporter Charles Villa a couvert l’événement.

Je décide de prendre de la hauteur pour voir le Zócalo autrement. Direction la Torre Latinoamericana et ses 44 étages. Proche du sommet culminant à 183 mètres, j’ai une vue à 360° sur la ville. Ce que je vois, un monstre tentaculaire s’étirant dans tous les sens.

Aux pieds de la tour, le parc Alameda. Ses jardins en losange et ses innombrables fontaines m’apaisent, tout comme le Palacio de Bellas Artes, un bijou architectural.

À l’autre bout du parc, un bâtiment, moins esthétique, a suscité ma curiosité. Au Centro cultural José Marti, nom du fondateur du Parti révolutionnaire cubain, une exposition se tient à la gloire de Fidel Castro. Pas besoin de faire les présentations non ? Plusieurs peintures perpétuent l’image romantique laissée par 82 guérilleros, dont les frères Castro et Che Guevara, partis du Mexique en novembre 1956 à bord du Granma pour conquérir, à la sueur de leur front, la perle des Caraïbes. Le reste appartient à l’Histoire, complexe et mouvante.

 
 

Sébastien Roux

Photo de couverture © Jorge Aguilar

 

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