Retour au Sommaire
Oaxaca, entre Terre et Mer
Je trace ma route, me laissant porté par cette douce insouciance de la découverte, par ces rencontres qui parsèment cette odyssée au Mexique. Peu à peu, les contours de cette aventure se dessinent avec plus de force. Mexico, Puebla, bientôt Oaxaca, avant d’aller explorer le Chiapas. Je repense aux jours précédents, j’imagine la suite. Sur mon carnet de notes, j’écris cette phrase à l’encre noire, comme une évidence : « Le voyage nous transforme profondément. »
I. Oaxaca de Juárez, ville bohème, ville révoltée
Pour relier l’état de Puebla à celui de Oaxaca, je décide d’opter pour un nouveau mode de transport : le covoiturage. Blablacar, une licorne française, est présente sur le sol mexicain. Simple intermédiaire, l’entreprise ne prend pas (encore) de commission. Toujours dans une phase d’implantation, les paiements se font directement en cash auprès du conducteur.
J’hérite de la pétillante et excentrique Karla, une mexicaine de 30 ans. Sa joie de vivre est communicative. Nous sommes trois, un autre français peu à l’aise en espagnol mais motivé d’apprendre cette belle langue (la quatrième par nombre total de locuteurs dans le monde), a également réservé sa place jusqu’à Oaxaca de Juárez. Les quatre heures de route défilent à vitesse grand V, nous longeons la Sierra Norte à travers une longue voie rectiligne qui scinde la montagne en deux. Un décor semblable à l’immensité de l’ouest américain.
Sur la musique de Thylacine - Santa Barbara (ft Julia Minkin), nous traversons la Sierra Norte. © Sébastien Roux
Nous franchissons plusieurs barrages militaires. Devant, Oaxaca de Juárez s’ouvre à nous. Cette ville a tout pour me plaire : entourée de montagnes, les devantures des bâtiments sont colorées. L’art occupe une place prépondérante avec de nombreuses galeries d’art, des peintures murales, des sculptures en bois et des bijoux rayonnants. Sans oublier sa succulente gastronomie et ses calendas (fêtes traditionnelles) dont je vais être témoin.
Paradoxalement, l’état de Oaxaca et celui du Chiapas font partie des régions les plus pauvres du Mexique. Cette pauvreté ne saute pas au yeux, en particulier pour les touristes divaguant dans le centre-ville ou participant à des excursions aux alentours de la ville. Dans les rues, sur les devantures des bâtiments, des signes dévoilent le fossé entre une élite bourgeoise et le reste de la population, composée de nombreuses communautés indigènes.
Parfois, un mouvement social prend de l’ampleur. Les injustices ne peuvent plus être balayées d’un revers de la main. Le gouvernement doit réagir, apaiser une situation qui s’embrase, qui bientôt le dépassera. Tous ont encore en mémoire la révolte de Oaxaca en 2006. À l’origine, des professeurs de la ville, excédés face à leurs conditions de travail. Durant plusieurs jours, le centre historique de la ville est occupé. La police intervient, la répression demandée par les autorités provoque l’effet inverse escompté : des citoyens rejoignent le mouvement, la ville est bloquée durant plusieurs mois, la presse parlant même d’une « insurrection populaire ».
Quatorze ans après ce soulèvement, que reste-t-il de cet événement lors de mon passage ? Je rencontre une mère de famille ayant participé de près à ces manifestations. Nul doute, selon elle cette révolte a eu un impact sur la politique mexicaine : « des élus embourbés dans des affaires de corruption ont du démissionner, des habitants se sont réunis pour peser davantage dans les décisions publiques et des médias alternatifs ont émergé, mais les inégalités sont toujours là. Des professeurs campent depuis plusieurs semaines sur le Zócalo afin d’obtenir de meilleurs conditions de travail. Combattre les injustices est une lutte perpétuelle. »
Suite de l’épisode (cliquez sur les images pour accéder à la suite)
II. Les couleurs des calendas
© Sébastien Roux
III. Dégustation de mezcal, le ventre vide…
© Sébastien Roux
IV. Coupé du monde à Capulàlpam
© Sébastien Roux
V. Les fantastiques alebrijes
© Sébastien Roux
VI. Les champignons de la désillusion
© Sébastien Roux
VII. Surfer à Zipolite et Puerto Escondido
© Sébastien Roux
Texte © Sébastien Roux - Photo de couverture © Raul Baz