Retour au sommaire

Ep 4 - Trésors et galères de la péninsule de Samaná

 

J'entame la dernière partie de mon road trip en République dominicaine. La météo va décider de corser un peu les choses. Moins de deux minutes après mon départ, une première averse tropicale s’abat sur moi, présage d’une virée où je vais finir complètement trempé. Qu’importe, ce troisième itinéraire m’offrira un voyage pour les papilles à Las Terrenas, la découverte de la cascade Salto El Limón, les plages et les grottes de Las Galeras, une sortie en voilier à Cayo Levantado pour terminer par une déconnexion totale à El Valle.

 

 

Cabarete - Las Terrenas : pendant près de quatre heures, les épisodes d’averses tropicales vont s’alterner avec de courtes accalmies. Pour protéger mes affaires, je dispose d’un simple poncho. Ayant réservé une expérience gastronomique le soir même, trouver un abri au bord de la route et attendre n’est pas une option envisageable. Dans tous les cas, les prévisions météos s’annoncent mauvaises jusqu’au lendemain matin…

Rouler sous cette pluie est loin d’être une partie de plaisir. Malgré moi, je vais ajouter de la difficulté, comme s’il fallait pimenter un peu plus cette aventure. Je n’ai pas pris le temps de bien regarder mon itinéraire et avec la pluie je préfère ne pas m’arrêter et suivre mon instinct. À la sortie de la ville de Nagua, je continue tout droit au lieu de tourner à gauche.

Après quelques kilomètres, je décide tout de même de me ranger sur le côté. Je prends une douche froide en découvrant mon erreur. Deux options s’offrent à moi : revenir sur mes pas et prendre la bonne sortie à Nagua ou suivre un autre itinéraire en quittant la route principale. J’opte pour la deuxième option.

Peu à peu, la route se rétrécit après une succession de petits villages entourés de champs. La pluie s’arrête au moment où la route se transforme en chemin boueux. Je demande à plusieurs agriculteurs si je suis dans la bonne direction pour rejoindre Las Terrenas. Le premier m’indique un chemin vers l’ouest, le second une piste vers l’est tandis qu’un troisième me conseille de repartir vers la route normale. Ma position GPS me permet de me sortir de ce bourbier en optant pour la piste vers l’est qui débouche quelques kilomètres plus loin sur une entrée d’autoroute. La nuit commence à tomber, mieux vaut ne pas traîner. Ma moto slalome entre les nombreux trous remplis d’eau. Ce pilotage me procure son lot d’adrénaline, me faisant oublier tous mes tracas.

Playa Bonita © Sébastien Roux

Un voyage pour les papilles 

J’arrive à Las Terrenas avec une grosse heure de retard. Alfredo Rueda, un chef cuisinier, m'attend dans son atelier près de la plage Coson. Originaire du Vénézuela, il vit à Las Terrenas depuis 9 ans. Après le Covid, il a souhaité proposer un autre cadre qu’un restaurant gastronomique classique.

Tous les vendredis, il reçoit un petit groupe de personnes dans son atelier autour d’un menu qu’il a intitulé les 7 Temps. Pour mener à bien cette expérience, trois dominicains sont à ses côtés pour confectionner les plats et assurer le service. Les lumières sont tamisées, la décoration boisée, les gestes millimétrés.

Le temps d’une soirée, nous allons goûter aux multiples saveurs dominicaines à travers des ingrédients frais et locaux. Alfredo va réussir à nous surprendre en associant des goûts qu’on pensait incompatibles. Chaque plat à une histoire à raconter, chaque aliment à un impact sur notre santé. 

Je termine cette soirée mémorable en roulant sur des routes partiellement inondées afin de passer la nuit au Mambo Hotel. Ce lieu est géré par Manny Ramirez, un motard dominicain qui a lancé son établissement en début d’année. Une architecture mexicaine élégante pour une nuit ô combien relaxante. Le lendemain matin, lors d’un petit déjeuner copieux, je prendrai le temps d’admirer sa Royal-Enfield Continental GT 650 installée dans le salon.

Au moment de partir, je me contente de reprendre ma Sucati CG 150 pour aller jusqu’à la Playa Bonita avant de poursuivre ma route jusqu’au Salto El Limón, une magnifique et imposante cascade au cœur de la jungle, accessible à pied ou à cheval.

 
 

Pas de galères, hissons les voiles

Tout au bout de la péninsule de Samaná, quand la route ne peut plus continuer face à l’océan, Las Galeras fait son apparition. Je retrouve une bande d’amis sur l’une des plages de ce petit village côtier préservé du tourisme de masse. Nous passons une partie de l’après-midi à la Playa la Playita avant de se transformer en aventuriers en explorant deux grottes interconnectées à proximité.

En partant de ces grottes (Cueva de Duarte et Cueva Caletón), il est possible de longer des plages paradisiaques, loin de toutes habitations, pour atteindre la playa Rincon et sa lagune à l’eau turquoise nommée Caño Frío en rapport à son eau rafraîchissante.

Le lendemain matin, nous poursuivons la découverte des environs en sautant le long de la falaise La Hondonada sous le regard avisé d’un local. Ce dernier n’hésite pas à grimper à des cocotiers afin de nous décrocher quelques noix de coco. Puis, nous roulons en direction d’un petit port privé à l’entrée de la ville de Samaná pour embarquer à bord de l’un des voiliers de Greensail.

Le capitaine Pablo et son matelot naviguent jusqu’au Cayo Levantado, une petite île située à l’entrée de la baie de Samaná. Nous arrivons malheureusement un peu trop tard pour observer un phénomène naturel époustouflant. Chaque année en février et mars, des baleines à bosse viennent dans cette baie pour mettre bas ou s’accoupler.

De l’autre côté de la baie, nous distinguons au loin le parc national Los Haitises, une réserve naturelle composée de mangroves et dotée d’une faune très riche. Quand il part une journée complète, Pablo hisse les voiles et navigue jusqu’à là-bas.

Déconnexion totale à El Valle

La journée se termine et il est déjà l’heure de dire au revoir à mes amis qui doivent regagner Cabarete. De mon côté, je prolonge le plaisir en roulant en direction de El Valle, un petit village caché dans un écrin de nature. Pour y parvenir, il n’y a qu’une seule route cabossée partant de Samaná.

Lors de ce trajet de 45 minutes, la pluie fait son retour. J’arrive juste à temps à Ganesh pour me mettre à l’abri. On m’a conseillé de séjourner dans cette auberge de jeunesse proposant également des chambres privées. À El Valle, pas de réseau mobile tout au long de l’année et une connexion internet très capricieuse lors d’épisodes pluvieux. Mais l’essentiel est ailleurs, tant ce lieu dégage une énergie spéciale.  

Preuve en est le lendemain matin lorsque je fais la connaissance de Paola, une Catalane venue s’installer ici. Après m’avoir préparé gracieusement un petit déjeuner, elle me propose de me faire visiter les alentours. Malgré une pluie fine, nous partons marcher en direction de la plage tout en parlant de spiritualité. Les pieds dans le sable, elle me montre l’endroit où une rivière termine sa vie pour se déverser dans la mer. Même si je connais à peine Paola, cela ne l’empêche pas de se déshabiller complètement pour qu’on aille se baigner. Puis, nous marchons quelques minutes en pleine nature dans le plus simple des appareils. 

Playa El Valle © Danilo Medina

De retour à Ganesh, nous partageons un thé chaud. Avec l’un de ses amis, Paola évoque les bases de son projet de créer un sanctuaire spirituel à partir d’un lieu abandonné qu’elle souhaite louer et rénover. Elle m’invite à rester un peu plus longtemps à El Valle pour réellement saisir l’énergie de cette zone. La proposition est tentante mais je dois rentrer à Cabarete.

Seulement, au moment de partir, impossible de mettre la main sur mes clés de moto. J’ai beau chercher de partout, elles se sont tout simplement évaporées. En réalité, elles sont simplement tombées dans ma trousse de toilette mais cela je ne le réaliserai que lors de mon retour. Cette mésaventure en pleine nature me fait prendre conscience d’une chose : démarrer une Sucati CG 150 sans sa clé est un jeu d’enfant.

Un dominicain me prouve cela en quelques secondes en touchant quelques fils et en utilisant le kick de démarrage. Il me propose de changer le démarreur pour y installer une nouvelle clé. La petite réparation effectuée, je suis fin prêt pour réaliser le dernier trajet de ce road-trip. Il me reste un peu moins de 200 kilomètres pour relier El Valle à Cabarete.

© Sébastien Roux

Malgré la météo instable, je ne crains plus les intempéries. Cette fois-ci, l’itinéraire est direct, je longe la côte, m'arrêtant seulement à la cascade El Saltadero pour admirer cette chute d’eau puis à la ville de Rio San Juan pour remplir mon estomac avec de succulents empanadas.

À l’horizon, les nuages s’assombrissent. Je ne vais pas pouvoir éviter une dernière averse. Qu’importe, nous rêvions juste de liberté ! À mes côtés, la voix magnétique de Jim Morrison me susurre de simples paroles. “Riders on the storm, riders on the storm…” À voix haute, je répète ces mots sous une pluie tropicale.


Sébastien Roux

Photo de couverture © Sébastien Roux

 

Épisode 1 - Nous rêvions juste de liberté

Épisode 2 - De Puerto Plata à Punta Rucia

Épisode 3 - Les Conquistadors de Santiago


Ce carnet de voyage a été publié dans le numéro 88 de Road Trip